mardi 29 juin 2010

Le Rayonnement Beach Fossils

beach fossils


Il suffit de regarder la photo de Dustin Payseur, sa sombre aura piégée en pleine lumière au centre de ses Beach Fossils, pour s'en convaincre: le groupe de Brooklyn n'a pas fini de rayonner tout au long de cette année avec son album éponyme. Un rayonnement qui prend d'ores et déjà des allures de ce qu'il n'est pas.

Beach Fossils, un album que trop entendent mais n'écoutent pas, risque donc de clouer le bec des lofisceptiques qui se tromperont une nouvelle fois de proie avec cet album mid-fi, pour le coup. Et risque tout aussi bien de semer le trouble parmi ses zélateurs. Car le grand album de l'année, d'une évidence pop troublante et rarement entendue depuis un bail, puise sa force dans sa capacité à diffuser une profondeur embrumée qui donne le vertige et que peu lui reconnaîtront, préférant se borner à évoquer une prétendue beach-pop frivole et ensoleillée.

Cet album a pourtant plus à voir avec quelque chose de dense et hyper chaud, certes apparenté à la beach pop de Real Estate et dont la genèse date déjà des premiers titres sortis par Dustin Payseur l'année dernière (Daydream, Vacation), mais complètement refroidi par la cold-wave ou le shoegaze. Comme s'il y avait une marée noire entre Beach Fossils et Real Estate. Comme si la torpeur de ces derniers avait été diluée dans le côté glacial du Ceremony de New Order. Comme si Payseur avait réussi le jumelage rêvé entre des villes où tout a un jour commencé (Ridgewood, Macclesfield, Crawley, Glasgow).

Pour expliquer le phénomène Beach Fossils, il faut aller chercher du côté d'un rayonnement diffus. Sa musique est dans l'air, et vous accompagne en toute circonstance, au fur et à mesure des écoutes conscientes ou inconscientes. Pas psychédélique ou mystique pour un sou, mais au contraire orchestrée par un agencement fascinant de constantes universelles actuelles (entendez shoegaze, cold wave, beach pop, garage, jangle pop, kiwi pop). Forte d'une innocence maîtrisée et parfois d'un cynisme à mi-chemin entre les Strokes et Blank Dogs (Golden Age).

De façon frappante, le rayonnement Beach Fossils signifie vraisemblablement beaucoup plus et sa mise en évidence dépasse le cadre de la simple collection de meilleures chansons de l'année (Lazy Day, Golden Age, Window View). En effet, Dustin Payseur diffuse avec Beach Fossils un malaise à bas bruit, dans toutes les directions, en puisant son inspiration dans la nostalgie et dans le concept américano-américain de "suburbia". Comme si Crystal Stilts se retrouvait aux génériques de Gus Van Sant. Beach Fossils pousse jusqu'au bout du bout la logique de groupes qui ont la nostalgie ancrée au plus profond de leur très jeunes âmes sans réellement savoir de quoi il retourne. De groupes coincés en pleine "mild-life crisis" documentant l'ennui gentillet.

Les chansons de Beach Fossils laissent tour à tour une impression d'un son Factory confiné dans une chambre à coucher, de beach-pop fantasmée au travers de stores vénitiens, ou de C86 passé au filtre (polaroid) de la suburbia. Ces chansons sont comme autant d'impressions hipstamatiques. Et pourraient déjà pousser à son paroxysme le concept fumeux d'une "pop hipstagogique" tout juste inventé (ce néologisme ayant été mentionné pour la première fois mais dans un autre contexte par le blog All, Everyone, United). En ce sens, Beach Fossils est un fantastique premier album qui fait office de manifeste et de précis (34 minutes) d'un mouvement musical dont les contours sont encore à délimiter et dont on peut s'amuser à trouver de nouveaux représentants. Un Seventeen Seconds de The Cure moderne et relevé à la sauce hipstagogique, regorgeant de lignes de guitares à se pâmer (Youth). Tout aussi brillant mais guère plus guilleret.








dimanche 27 juin 2010

Pigeons: Fade Away

pigeons

J'ai une nouvelle copine bloggeuse qui, comme moi, adore entre autres les labels Olde English Spelling Bee et Mexican Summer. Et qui, comme moi, aime forcément Pigeons. Courez lire ce qu'écrit Lea Mandana Roche sur son superbe blog ou chez mes amis de Delicious Scopitone, à propos de ce groupe du Bronx, NY. C'est peu dire que leur album Si Faustine à paraître tout bientôt chez OESB est plus qu'attendu.



mercredi 23 juin 2010

U.S. Girls: Lunar Life

U.S. Girls

J'ai toujours volontiers imaginé Meghan Remy (U.S. Girls) sur la brèche. Sur la route. Sur le qui-vive. Ses nombreux tourments supposés pouvant expliquer la surpuissance et les incroyables moments de solitude de Go Grey. Cet album offrait la chance de pouvoir saisir l'insaisissable Meghan sur des titres étonnants, comme le profondément hypnotisant Red Ford Radio et un His Son's Future en forme d'hymne no-wave intimiste. Ou un I Don't Have a Mind of My Own sur lequel on croyait entendre une PJ Harvey fugueuse et rugueuse comme jadis. Et surtout Go Grey recelait une merveille comme on n'en croise qu'une fois ou deux dans une année: Blue Eyes on the Blvd., seul morceau au monde capable de rivaliser avec le Comfy in Nautica de Panda Bear par sa force surhumaine.

Pleine d'échos, de tambours qui résonnent et de voix noyées sous le déluge, la pop tourmentée de U.S. Girls se caractérise par sa pudeur et attise en conséquence la passion. Fascine son monde en jonglant constamment entre la distance et la proximité avec ses auditeurs ou son public. Et la petite sirène de Siltbreeze semble s'attacher à une vraie cohérence artistique et une ligne de conduite irréprochable, sous ses airs de ne pas y toucher. Guère étonnant, alors, si Meghan a pu trouver un hébergement temporaire, et un alter ego parfait, chez les hospitaliers Atelier Ciseaux. Le temps d'un 7" jugé comme son plus accessible à ce jour.

Indéniablement, Meghan a l'art de tourner une chanson. Mais sur Lunar Life, elle parvient à insuffler une énergie nouvelle en laissant sa voix accaparer d'emblée l'attention, pour mieux la dompter progressivement et finir par la fondre à l'orgue lancinant et métronomique. Aussi captivante, la face B (Take Over Dynamix) étonne presque plus avec ses airs de beach-step ou de surf-indus qui pourrait durer des heures avant de laisser place à de lointaines notes de guitare qui n'ont jamais paru aussi proches. La marque de fabrique de U.S. Girls, et la preuve que le talent de Meghan Remy n'a aucune limite.





dimanche 20 juin 2010

Her Horses: The Oncoming Storm

her horses

Tout juste Brian Galbreath aka Her Horses a t-il gommé les grésillements fantômes de ses premiers enregistrements (The Love & the Terror) et a t-il essayé de dépoussiérer son grenier hanté. Avec The Oncoming Storm et ses B-Sides du même acabit, le sudiste minimaliste lo-fi distille des complaintes drapées d'un noir perforant, qui batifolent tristement. Désespérément. Compose des titres à la limite du dangereux (Death Approaches Slowly), parcourus par des frissons mélodieux et gardés en vie par un tambour comme un battement de coeur hésitant (Locked Up).

En toute humilité et toutes proportions gardées, les chansons fantômatiques de The Oncoming Storm dégagent la même impression d'aridité instrumentale et de désolation dans le ton que chez Jason Molina et Songs:Ohia circa Ghost Tropic. Avec toutefois des divergences notables, comme la voix sombrement étranglée ou tremblotante (The Oncoming Storm) de Galbreath, ou cette propension à sortir de ses tripes des comptines plombées (South) ou des cavalcades dont l'issue ne trompe personne (Make Me Famous).

En acceptant finalement de réanimer certaines chansons avec un massage cardiaque minimal (le magistral Trust Me, I Know) ou de sauver quelques autres de la noyade, Her Horses parvient à convaincre sur la longueur (langueur) de The Oncoming Storm. Et nous quitte sur The Animal, accompagnée de sa mélodie étouffante et hébétée, prise entre les eaux troubles de Smog et de la tristesse insondable du Infinite Sparks de Pavement.






http://herhorses.bandcamp.com/ (discographie complète)



lundi 14 juin 2010

Baby Birds Don't Drink Milk: Last Night Sucked

BBDDM

Last Night Sucked de Baby Birds Don't Drink Milk (présent sur Skeletor & Me à paraître chez Solid Melts) prenda t-il la place du I Was Thinking... de Gauntlet Hair dans les prochains jours? Originaires de Lawrence dans le Kansas, les BBDDM que j'avais laissés sur un Fort Porkchop presque naturaliste, semblent en tout cas prendre une autre dimension avec ce titre.







samedi 12 juin 2010

Mat Riviere: Follow Your Heart

mat riviere

Il faut du temps pour se remettre d'un album comme Follow Your Heart de Mat Riviere. Une perle noire d'émo-fi synthétique et un grand disque d'idées noires. Sur lequel on jurerait entendre Cold Cave de passage chez Anticon pour nous vriller le moral (Evening Drive, Curse These Eyes) ou, inversement, Yoni Wolf chez Captured Tracks (notamment sur Pause, une bombe émotionnelle heureusement désamorcée). Ou encore Sage Francis signer un vrai épitaphe, pour le coup (F.Y.H.).

Il y a sur Follow Your Heart de la puissance rentrée comme du Liars lo-fi (Take My Sums and Add Them). La même théâtralité jusqu'au malaise que chez Glass Ghost mais en bien plus sombre encore (The Give IN). Une respiration au rythme martial (Castroreale) à la limite de l'étouffement. Une respiration parvenant à se stabiliser un peu grâce à quelques rares bouffées d'air frais (Out of 3). Guère étonnant si Follow Your Heart culmine avec Never Rest Again, une chanson réellement terrifiante aussi difficile à chasser de son esprit qu'une idée noire.







mercredi 9 juin 2010

Weekend/Young Prisms

weekend/young prisms

Quand je végétais dans les cyber limbes, je voyais d'en haut mes petits groupes préférés faire des prouesses et les gros titres, et je ne pouvais pas en être. Je mourais d'envie de redescendre pour en parler. Impossible de rencontrer quelqu'un sans qu'il me bassine à propos du fameux split 7" de Weekend et Young Prisms chez Transparent, en prenant un air benêt de "et bah alors??". Si bien que j'ai fini par n'opposer comme seule réponse que cette posture de serveur avec deux plats bien lourds à hauteur de chaque épaule. Avant de déguerpir en regardant mes chaussures. Et plus bas encore.

En fait, je tiens un blog à l'eau de rose.




lundi 7 juin 2010

Sleep ∞ Over: Witch You Well

sleep over

Au moment de passer devant une sorte de jury peu enclin à se pencher sur mon cas, je ne m'attendais pas à être réprimandé pour mes posts énamourés sur les Texanes Sleep Over. Pourtant il n'y avait pas de quoi fouetter un canard et, de toute façon, on avait bien plus à me reprocher que mon apologie de leur esthétique gentiment ésotérique et de leurs morceaux brillamment terrifiants.

A présent, je ne risque plus grand chose à parler de ces trois filles, mystérieuses pour encore quelques jours ou quelques semaines. Car le très pop Outer Limits, partie intégrante d'un 7" à paraître sur le label du moment, attendrirait les plus revêches. Et les plus réticents à son artwork éro-ésotérique/éso-érotique.









samedi 5 juin 2010

Yellow Ostrich: At the Gates of Heaven

yellow ostrich

Quand j'étais dans les cyber limbes, j'ai croisé des repentis prostrés, des contrits dévoués, des têtes brûlées qui crachaient partout. J'ai fait rire des personnes à cause de mes "petites" obsessions, comme elles disaient. D'autres fronçaient les sourcils quand je regardais ici ou là des vidéos d'artistes et groupes jouant dans des églises ou des chapelles de cimetière. Et j'inventais dans ma tête des posts tout entiers dédiés au deuil.

Et puis j'ai attendri quelqu'un avec mes larmes aux yeux alors que je visionnai pour la énième fois Yellow Ostrich et sa version live de Mary irradiant comme une petite lumière dans un tunnel. Cet extrait m'a redonné envie de divaguer, notamment sur la ressemblance présumée entre Alex Schaaf et un Lou Reed encore jouvenceau. Ou sur le M formé par les lignes aux creux de mes paumes.

Enregistrée à la Synagogue Gates of Heaven de Madison, dans le Wisconsin, Mary dévoile sa structure toute en boucles maîtrisées et petites touches attrape-coeur. Point de miracle, mais une voix qui s'en rapproche. Et qui accompagne un songwriting sobre et élégant également à l'oeuvre sur WHALE, l'autre titre témoignant des divines nouvelles orientations du Yellow Ostrich (une sorte de bedroom blue grass). Dans cette synagogue ce jour-là, il devait y avoir des chansons, de la foi et de la dévotion.

Alex Schaaf a tout pour plaire dans les cyber limbes et ailleurs. Tout le monde s'imagine volontiers la simplicité et l'honnêteté de ce pur produit du Wisconsin. Lui qui a déjà dit beaucoup avec l'album Wild Comfort où l'innocence musicale de la bedroom pop lo-fi se faisait parfois doubler par un doux psychédélisme à la Caribou. Où le côté bébête et la naïveté de la glo-fi se faisaient secouer par une puissance émotionnelle bien réelle. Surtout, beaucoup dans les cyber limbes apprécient l'idée que Schaaf soit un "true believer" (comme entendu sur Mary). Et ont sûrement vu d'un bon oeil que je revienne ici en parler.


jeudi 3 juin 2010

Comin' Back Again

kennel district

Ce blog ne doit son salut qu'à la présence d'esprit et à la générosité d'une de mes bloggeuses préférées: anneemall. J'admire Anne pour ses choix esthétiques très sûrs, mais je lui serai également éternellement redevable d'avoir gardé mes anciens posts dans un coin de sa tête et de son ordinateur. J'étais particulièrement attaché à certaines de ces chroniques et il m'aurait été difficile de faire une croix dessus.

Je reviens donc des cyber limbes, encore sur la pointe des pieds (une habitude), avec toujours les mêmes obsessions. A quelques errances près. Et après lecture d'un roman de fantômes évoluant entre les jardins de l'Observatoire à Paris et l'avenue d'Ouchy à Lausanne, en passant par la merveilleuse petite avenue la plus sous-estimée du monde. Je n'ai pas changé de crémerie (j'aime l'idée d'avoir trouvé plus fantôme que moi) mais j'ai choisi une nouvelle bannière avec des ombres reconnaissables entre mille dans un lieu flottant et suspendu dans le temps, qui m'est assez cher.

Ce retour valait bien ce titre merveilleux de Arches, au croisement de Grizzly Bear et de Real Estate.


Au passage, je souhaiterais aussi remercier Francky01 pour ses petits mots, ainsi que Remi d'Atelier Ciseaux et l'équipe de Delicious Scopitone pour leur soutien. Et j'embrasse mes deux chouchoutes qui se reconnaîtront.