terror bird
Même s'il représente pour eux une avancée prudente mais tangible, le EP Shadows in the Halls sorti chez La Station Radar et Atelier Ciseaux est une introduction parfaite à l'univers de Terror Bird, duo synth-glam lo-fi de Vancouver. Alerté par le morceau-titre et par les plus discrets mais captivants I Love No et Lament, je me suis donc plongé à rebours dans leur précédente cassette Sociopaths Are Glam et sa pochette évocatrice.
Evocatrice, car la chanteuse Nikki Never n'a jamais nié ni renié son attirance pour le glam rock. Ce dernier n'étant rien d'autre qu'une histoire de cabaret outrancier où minaudaient des dandys (facticement) transgenres, la musique de Nikki Never et de son compagnon Jeremiah Haywood semble toutefois s'en écarter puisqu'elle nous convie à un spectacle sombre et claustrophobique, sans aucun decorum: des sociopathes animent à présent des marionnettes dans leurs chambres sombres et se déguisent seuls devant leurs glaces faiblement éclairées. Le glam n'est plus grimé mais naturellement blafard.
Les morceaux de Terror Bird laissent des impressions multiples et génèrent des sentiments contradictoires, tout en évoquant des collisions et des collusions hors-normes. Alors s'il est de bon ton de forcément trouver de la pop 8o's et de la new wave dans ces chansons, il est également possible d'y dénicher Depeche Mode chez Italians Do It Better (Dumb Sick) ou d'y rencontrer des Fiery Furnaces enfin humbles et réservés (Beat Off Queen, The Summer of Ages). Et l'on jurerait même entendre poindre de façon incongrue de la kiwi-pop languide chez Twisted Charm (Box Office Boyfriend) ou des claviers très Look Blue Go Purple un peu plus loin. Car l'un de leurs tours de force réside dans cette capacité à faire ressortir des obsessions musicales, en toute irrationalité.
Lien de cause à effet ou non, des visions encombrantes du passé (musicales et au delà) resurgissent avec la musique de Terror Bird et instillent de fait un certain mal à l'aise chez l'auditeur. A mille lieues des rejetons de Disaro, Never et Haywood foutent cent plus les jetons en composant des morceaux souvent anxiogènes laissant apparaître le blanc de leurs os. Des morceaux qui sont comme autant de petites menaces habillées d'un noir qui pourrait se révéler dangereux. Ainsi le duo n'est-il jamais aussi convaincant sur Sociopaths Are Glam que lorsqu'il anémie et assombrit le clair-obscur Nine Million Rainy Days de The Jesus & Mary Chain, livrant une version magnifique en choisissant le côté obscur. Ou lorsqu'il passe Bronski Beat au cirage et les contraint à marcher au pas sur un rythme martial (Smalltown Boys).
Afin de mieux se jouer des règles formatées de la synth-pop sombre et lo-fi, Terror Bird ose alterner ses penchants noirs avec ce qui ressemble à de légèreté. Une légèreté à laquelle personne ne croit et qui, dans mon cas, glacerait encore plus le sang. Mais parfois cette facette plus pop se fait déborder par une théâtralité trop prononcée et certains titres (Even When en tête) sèment le trouble. Et forceraient presque à écarter Sociopaths Are Glam pour un temps, afin de se préserver. Afin de dissiper le malaise et éviter ainsi de se recroqueviller et se tortiller de douleur à son écoute.
C'est précisément cette exubérance suspecte que Terror Bird arrive à mieux dompter sur le EP Shadows in the Halls. S'accordant un son plus dense, à la limite de l'allégresse (à l'image de I Love No) et comptant sur les badinages vocaux de Nikki Never (Shadows in the Hall). Surtout, Lament est une conclusion parfaite. Avec son côté Sonic Youth "sorti du diable vauvert", voici une chanson à l'aise dans le petit monde des complaintes drone-pop synthétiques. Balayant le côté cabaret qui pendait au nez de Terror Bird. Pour toujours?
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